Ça y est, la grande famille du rugby s'agrandit. En 2027, 24 sélections nationales se retrouveront en Australie, pour se disputer le trophée Webb-Ellis. Pendant six semaines, elles joueront des matchs cruciaux qui sacreront une équipe, au-dessus des autres. Cependant, que se passe-t-il en dessous ? Loin de la ferveur du mondial, là où World Rugby emmène ses meilleurs prétendants…
Avant cela, des phases de qualifications se sont enchaînées durant plusieurs mois, alors que la moitié des formations attendues en Australie étaient déjà qualifiées d’office. Loin des projecteurs, des sélections aux acteurs anonymes du grand public jouaient des matchs, avec un rêve inédit au bout. L’ouverture à 24 équipes permet à plus d’équipes de participer à la compétition reine.
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Pour beaucoup de nations de Tiers 2, la qualification à cette dernière est un moteur économique, politique et sportif unique dans l’écosystème du ballon ovale. Il ne rivalise avec aucun autre. Preuve en est, sur les éditions comptant 20 équipes, soit de 1999 à 2023, 19 équipes ont participé à au moins six des sept mondiaux joués. Comprenez alors que le mondial apparaisse comme une chasse gardée à quelques pays, que les institutions ont autorisé à entrer dans le jeu globalisé.
Si l’on ne fait pas partie du club fermé cité précédemment, il y a peu de chance d’espérer obtenir une quelconque retombée du rugby mondialisé, en imaginant qu’il existe réellement. Seule une ou deux nations chanceuses ont le plaisir de goûter au mondial ponctuellement, sans en faire une habitude. Mais bon, que les meilleurs gagnent ! S’ils sont à la Coupe du monde, c’est qu’ils l’ont mérité, non ? Absolument, mais n’y aurait-il pas moyen d’espérer observer un peu de ruissellement rugbystique, sans en faire une théorie, des cadors jusqu’aux Petit Poucet ?
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Le rugby mondial et ses moyens faméliques
Depuis plusieurs années, celui qui écrit ces lignes s’est passionné pour le rugby d’autres clochers, plus exotiques. Parfois, il a le plaisir d’écrire sur ces terres, pas toujours si lointaines, où la passion du ballon ovale émerge du travail acharné de quelques passionnés. En juillet 2024, un article était posté sur ce site, où la rédaction évoquait la ferveur inattendue du rugby au Burkina Faso. Ce dernier était en partie poussé par la pratique de son voisin, la Côte d’Ivoire, où le rugby possède un vivier naturel et local qui se renouvelle de lui-même.
Pays sans grande culture rugbystique historique, il avait réussi à hisser sa sélection parmi les huit meilleures formations de la Coupe d’Afrique de Rugby, en 2022 et 2024. De fait, si elle gagnait trois matchs successifs, elle aurait pu participer à la Coupe du monde 2023 en France. Ça, c’est une belle histoire.
Maintenant, forçons-nous à voir le verre à moitié vide. Une fédération au budget annuel de 30 000 € était à trois rencontres de la plus grosse compétition du monde. L’institution nationale n’avait même pas les moyens d’organiser le moindre test-match dans l’année et aucun programme de développement n’a été mis en place pour y remédier. Ensuite, les efforts locaux n’ont plus été suffisants et les Étalons ont dû quitter l’élite continentale, sans moyens supplémentaires pour essayer de se développer. Le rugby burkinabé a réussi à sortir la tête de l’eau, mais personne ne lui a tendu la main pour l’empêcher de couler.
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Nous citons l’exemple du Burkina Faso, mais ce n’est qu’un cas parmi d’autres. D’ailleurs sur ce plan, le rugby africain est un merveilleux exemple de continent aux talents boudés. Quand on regarde du côté du Kenya, de l’Ouganda, de Madagascar, du Zimbabwe, de la Côte d'Ivoire, etc. Il y a un nombre conséquent de pays où un vivier de joueurs se crée naturellement grâce à une pratique populaire du rugby. Or, ce dernier n’est absolument pas valorisé. “Le rugby africain peine à se développer. Il n’y a pas d’argent et il n’y a pas beaucoup d’investissements de World Rugby et de Rugby Africa, puisque ça ne leur rapporte rien”, confiait un ancien international d'un pays africain.
Un développement économique, sans le sportif
Les Grands préfèrent mettre des moyens, qu’ils soient financiers ou structurels, et attirer les investisseurs pour le développement d’un unique marché, dont la viabilité peine à convaincre. En septembre dernier, World Rugby annonçait que 250 à 270 millions de dollars seraient investis dans le rugby aux États-Unis. Sans grande crainte, on peut supposer qu’envoyer cette même somme dans les nations de Tiers 2 permettrait sans grand problème à l’écosystème de valoriser une dizaine, voire plus, de fédérations en développement et en grande précarité de moyens. Au lieu de mondialiser, les institutions cherchent à capitaliser sur des mirages.
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Au-delà des moyens financiers, ce sont aussi les matchs qui peinent à voir le jour. On a tendance à l’oublier, mais le rugby est un sport qui mobilise beaucoup de personnes pour jouer une rencontre. En dehors d’une trentaine de joueurs nécessaires pour former un groupe, il y a un staff, des professionnels pour la préparation physique et les soins, ainsi qu'un représentant de fédération. Ainsi, une tournée s’organise avec minimum une quarantaine de personnes, sur la fourchette basse. Déplacer tout ce monde demande une logistique complexe. Les tournées et les compétitions internationales demandent une organisation et une structure que beaucoup n'ont pas.
Toutefois, les fédérations continentales et World Rugby n’ont pas forcément envie d’aider à cette dernière. Ainsi, certaines fédérations manquent de moyens, font face à des défis complexes ou ne prêtent pas attention au développement de l’ovalie sur leur territoire. Comme par hasard, on s'aperçoit que les régions où l'Ovalie a le vent en poupe sont celles où les institutions ont fait le choix de s’atteler à la tâche. En clair, ces dernières organisent régulièrement des compétitions, mais profitent souvent d’un soutien plus ou moins important des pouvoirs publics et des gouvernements locaux.
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Pas de match, pas d’équipe
Sur le Vieux Continent, le Rugby Europe Championship et ses divisions inférieures ont lieu chaque année, comme la Rugby Europe Super Cup. Les sélections participantes s'améliorent et certaines arrivent à des résultats spectaculaires et inattendus. Par exemple, le Portugal ou l’Espagne qui s’invitent au mondial ou la Belgique qui renverse la Namibie et tient tête aux Tonga.
En Amérique du Sud, le choix a été fait de miser sur le Super Rugby Americas et l’entraide entre l’Argentine, moteur du développement local, et ses voisins. Résultat des courses, l’Uruguay va jouer son quatrième mondial consécutif, le Chili son deuxième et le Paraguay s’est développé à grande vitesse, au point de susciter la curiosité des médias internationaux récemment.
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En Asie ou en Afrique, la majorité des compétitions internationales sont mortes lors du Covid_19. À l’occasion des phases de qualification pour la Coupe du monde 2023, soit autour de 2021, la plupart des équipes nationales de ces deux continents n’avaient pas joué la moindre minute de match international depuis plusieurs années. Pire encore, en Amérique du Nord et en Océanie, les qualifications au mondial ont tout simplement disparu. Ces dernières se sont effacées, impuissantes, devant la création de la Pacific Nations Cup. Ainsi, une bonne partie de ces sélections des territoires concernés ne jouent juste plus au rugby à XV, en tout cas pas au niveau international.
En 2019, World Rugby avait atteint le summum de son élan de mondialisation du rugby. Pour la Coupe du monde de rugby, 88 équipes avaient joué au moins un match lors du mondial ou sur ses phases de qualifications. Pour les éditions 2023 et 2027, ce sont seulement 45 équipes qui se sont présentées, soit uniquement sept à huit formations pour chacune des six confédérations continentales. En bref, le mondial à 24 est une bonne nouvelle, mais qui fait surtout office de poudre aux yeux. De plus, dès 2026, le Championnat des nations et la World Rugby Nations Cup (deuxième division) seront lancés. Cependant, il n’aidera pas à élargir la planète rugby puisque seules les 24 sélections déjà qualifiées pour le mondial pourront y participer…
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