Plus de deux ans après le traumatisme, peut-on regarder ce match sous un autre regard ? Voilà la prise de position du documentaire “Tests of Time : France v South Africa”, publié sur Rugbypass ce vendredi 5 décembre. Accompagnée du sous-titre “Est-ce le meilleur match de tous les temps ?”, cette réalisation se concentre sur le scénario du quart de finale de la Coupe du monde 2023, où les Bleus s’étaient inclinés face aux Springboks (28-29).
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Ce documentaire fait partie d’une série de documentaires, mettant en lumière les rencontres les plus marquantes de l’histoire du ballon ovale. Il s’agit du deuxième épisode de cette série, diffusée en VO (audio anglais) sur Rugbypass TV. Le premier traitait d’un autre quart de finale du dernier mondial en date, celui qui a vu la Nouvelle-Zélande renverser l’Irlande (24-28), en déjouant les pronostics.
Sur un peu moins de 50 minutes, des journalistes et consultants anglophones analysent cette rencontre, au fil de ses actions les plus marquantes. Certains intervenants sont bien connus dans nos contrées, comme l’Irlandais Bernard Jackman et l'Écossais Johnnie Beattie. Les deux hommes venus d’outre-Manche ont joué ou entraîné en Top 14. Le second réside même en France. Par ailleurs, il est important de noter qu’aucun invité Sud-Africain ou Français n’a été convié pour s’exprimer.
En essayant de donner la parole à des experts non biaisés par un quelconque chauvinisme, le documentaire de Rugbypass cherche à faire un pas de recul, pour observer la situation dans son ensemble. À travers des actions marquantes et des angles affirmés, la production finale est intéressante, mais élude parfois un peu trop vite certains aspects du match. Toutefois, certaines situations polémiques possèdent leur séquence dédiée, comme la transformation contrée par Cheslin Kolbe ou le geste critiqué d’Eben Etzebeth, signalés comme un en-avant volontaire par certains, devant son en-but.
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Le ciel est tombé sur la tête des Bleus
Contrairement à ce que l’on a pu observer dans l’espace médiatique français, qui s’est surtout focalisé sur l’arbitrage, cette vidéo se focalise énormément sur l’ambiance et le contexte qui entouraient cette rencontre. Les intervenants appuient énormément sur la pression qui reposait sur les épaules du XV de France, pour le mondial qu’elle jouait à la maison.
“La France était devenue, tout simplement, imbattable au Stade de France, elle avait cette incroyable série de 17 victoires consécutives à domicile”, note Rupert Cox, commentateur de la rencontre pour Sky Sports. “Un vague de bruit déferlait depuis les tribunes du Stade de France”, relate Johnnie Beattie. De son côté, le journaliste irlandais Murray Kinsella expliquait que “le sol vibrait” et qu’il était possible de “physiquement ressentir cette pression, capable de hérisser les poils”.
Cependant, tout ne s’est pas passé comme prévu. La France s’est inclinée et les supporters ont vu la flamme s’éteindre. À la toute fin du documentaire, plusieurs journalistes parlent de cette rencontre comme d’une “cicatrice” pour le XV de France. Toutefois, certains observateurs se montrent très enthousiastes pour l'avenir des Bleus. “Ce groupe va utiliser ses cicatrices pour aller devenir plus fort. Je pense qu’ils ne vont pas se perdre en route. Le système du rugby français les met dans les meilleures conditions possibles”, argue Murray Kinsella. “La France conserve de grosses chances de gagner, en 2027. Je pense qu’ils se sont installés parmi les meilleurs et qu’ils resteront à cette place sur la prochaine décennie”, affirme Johnnie Beattie.
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Le sang-froid des Springboks
Si le documentaire angle les observations faites autour des Bleus sur la pression qui reposait sur leurs épaules, à domicile. Il fait le choix de mettre en avant la mentalité des Springboks, sur cette même rencontre. Lucides, expérimentés et prêts à tout pour déstabiliser leurs adversaires, ils sont traités sans l’œil critique et accusateur, dont le public et les médias français en ont fait le discours majoritaire dans l’Hexagone.
Entre autres, plusieurs points sont mis en avant pour illustrer ce sang-froid. Les observateurs pointent notamment du doigt l’attitude française sous les ballons hauts et la capacité qu’a eue l’Afrique du Sud à utiliser cette faiblesse à son avantage. “Les Français ont semblé incapables d’apprendre de leurs erreurs en cours de rencontre, sur les ballons hauts. L’Afrique du Sud en a donc fait sa stratégie”, notifie Daniel Gallan, journaliste pour Rugbypass et le Daily Mail.
C’était tout de même surprenant de voir que le XV de France manquait de préparation dans la réception des ballons hauts. Ils semblaient inconfortables par rapport à ça, alors que c’est une des qualités évidentes et connues des Springboks. Ils défient leurs adversaires dans ce secteur. Les premiers essais étaient vraiment des erreurs grossières pour un match de ce niveau.” — Murray Kinsella, journaliste pour The42.ie
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Ensuite, un court focus est réalisé sur l’arrêt de volée de Damian Willemse, juste avant la mi-temps, où l’arrière a demandé la mêlée. Une option presque jamais utilisée dans le rugby moderne.
Devant la caméra, Rupert Cox trouve que ce choix des champions du monde et ses conséquences directes ont été une démonstration de force perturbante pour les locaux : “Sincèrement, qui fait ça ? Qui voudrait jouer une mêlée volontairement dans ses propres 22 mètres. Ça, c’est vraiment la marque de fabrique de Rassie Erasmus. Si on veut traduire cette action, on pourrait dire : « On est meilleur que vous dans ce secteur de jeu. On pense que l’on peut gagner une pénalité à tout moment, peu importe où l’on se trouve sur le terrain. » ” Juste après, les Springboks récupéraient effectivement une pénalité, leur donnant raison.
En conclusion, ce documentaire permet d’effectuer une approche différente de cette rencontre, depuis le point de vue d’un spectateur neutre. Ainsi, si jamais la blessure de l’élimination est encore ouverte, le moment ne risque pas d’être forcément des plus agréables. Si ce n’est pas votre cas, et que votre compréhension orale de la langue de Shakespeare est bonne, c’est une production qui vaut le détour.
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