Une prestation critiquée, mais vraiment juste ?
Face aux Fidji, l'équipe de France a réalisé une excellente entame avant de connaitre un énorme passage à vide qui a vu les joueurs du Pacifique revenir à égalité. Au cœur des nombreuses critiques collectives, un joueur a aussi été ciblé : Romain Ntamack, pointé du doigt pour son manque d’impact dans l’animation. Certains supporters se demandant même s'il était sur le pré. Il faut dire que c'est très français de viser l'ouvreur quand ça ne tourne pas rond.Romain Ntamack, un 10 qui cristallise les critiques du XV de FranceCertains observateurs ont regretté son absence dans les temps faibles. Pourtant, plusieurs voix s’élèvent dans le groupe pour rappeler que le contexte n’a pas joué en faveur de l’ouvreur toulousain. L’analyse de RugbyPass lui a attribué un 6/10, notant "des éclairs de brillance" et sa capacité à "tenir l’équipe après l’égalisation fidjienne". Alors, le numéro 10 des Bleus traverse-t-il une mauvaise passe ou est-il simplement victime d’un contexte collectif difficile ?
Un ouvreur dépendant du collectif
On l’oublie parfois, mais un ouvreur, surtout dans le système de jeu du XV de France, ne peut briller sans munitions propres. Laurent Sempéré, entraîneur des avants tricolores, l’a rappelé avec justesse via le Midi Olympique : "Un ouvreur dépend aussi de la qualité des ballons qui lui sont fournis."
Contre les Fidji, les Bleus ont passé de longues minutes à défendre sans pouvoir enchaîner. Comme l’a souligné Maxime Lucu pour L'Équipe, "c’est dur alors pour Romain de s’exprimer, comme pour nos centres ou nos ailiers". Et de préciser que la stratégie mise en place, notamment l’occupation, a été bien exécutée par Ntamack dans les phases initiales et finales du match.
Maxime Lucu : "Romain Ntamack occupe une place importante dans le groupe. C'est l'ouvreur n°1 et titulaire depuis un moment. Il faut lui faire confiance et ne pas forcément être trop dur. Pour lui ce n'est pas évident car il a l'habitude de jouer avec Antoine Dupont."#XVdeFrance pic.twitter.com/tzOUth7WQ7
— catourneovale (@catourneovale) November 18, 2025
Ajoutons à cela que les sorties sur protocole commotion de Barassi et Gailleton ont déréglé les automatismes des trois-quarts. Des repères que les Tricolores ont eus peu de temps pour trouver cet automne avec une préparation réduite à la portion congrue. Richard Dourthe a aussi mis en lumière un point essentiel chez nos confrères de L'Equipe : la différence d’animation entre le Stade Toulousain et les Bleus. "Il a plus de solutions pour faire briller ses partenaires ou briller lui-même" en club, ce qui explique pourquoi il semble plus en vue avec Toulouse. Ce n’est pas tant une question de niveau que de contexte de jeu.
Un leadership en question ? Pas vraiment, selon les Bleus
Derrière son profil discret, Romain Ntamack reste un leader technique du groupe France. "Il est très engagé, froid dans l’analyse, honnête sur les performances de l’équipe et ça tire l’équipe vers le haut", affirme Sempéré. Un son de cloche partagé par Maxime Lucu, qui rappelle que "c’est l’ouvreur numéro 1 et titulaire depuis un petit moment en équipe de France".
Cette constance dans la hiérarchie est loin d’être anecdotique. Elle témoigne de la confiance du staff dans sa capacité à mener le jeu. Galthié lui-même a salué sa précision et son implication dans le jeu sans ballon, soulignant sa contribution défensive. Un aspect du jeu trop souvent sous-estimé par le grand public, qui se focalise surtout sur les passes décisives et les percées spectaculaires.
Faut-il lui préférer Jalibert ? Le faux débat
Avec Matthieu Jalibert en embuscade, certains supporters se prennent à rêver d’un profil plus flamboyant. Un joueur qui ferait la différence sur chacune de ses prises de balle par sa vista au pied et ses passes lasers. Pas sûr que des légendes comme Carter et Barrett aient toujours été à la pointe de l'attaque sous le maillot des All Blacks. Mais la comparaison avec le Girondin reste hasardeuse tant les contextes sont différents.
Jalibert brille dans un système bordelais très libre, basé sur la prise d’initiatives. Ntamack évolue dans un canevas plus structuré chez les Bleus, où les clés sont souvent confiées au 9. Il faut aussi rappeler que le Bordelais n'a eu que très peu d'occasions de jouer avec le XV de France. S'il a parfois brillé, il a aussi manqué de constance, notamment en défense. Un domaine dans lequel il a beaucoup travaillé.
Difficile cependant de comparer les deux joueurs tant ils n'ont pas le même temps de jeu avec le XV de France. On peut facilement imaginer que Jalibert serait tout autant critiqué si les rôles étaient inversés. Yann Delaigue l’a bien résumé : "J’aimerais qu’il soit plus leader, plus brillant, qu’il prenne des initiatives", tout en reconnaissant qu’il ne fait "jamais de mauvais match". Et surtout, qu’il n’a "pas eu un ballon pendant la période de domination adverse". Faut-il donc vraiment tout remettre en question sur la base d’un ou deux matchs où il n’a pas pu s’exprimer ? Ce qui chagrine surtout les fans, c'est de ne pas retrouver des Bleus offensifs, comme c'était le cas, il n'y a pas si longtemps.
Ce que ça change (ou pas) pour les Bleus
À ce jour, aucune remise en cause ne semble envisagée du côté du staff. Ntamack reste le plan A. Jean-Baptiste Élissalde l’explique : "Lui est au milieu de tout ça. Et comme tous les 10 au monde, surtout dans le système des Bleus où ça joue beaucoup autour du 9, il est plus embêté."
La vraie problématique, c’est peut-être moins Ntamack que la dynamique actuelle de l’équipe de France, en recherche de fluidité offensive. Tant que les ballons sont lents et que les avants ne percent pas, l’animation derrière s’en ressent – quel que soit le nom floqué dans le dos du numéro 10.
Faire le dos rond (et se souvenir de ce qu’il a déjà apporté)
Pas de panique, donc. Oui, Ntamack a été discret. Mais il n’a pas été défaillant. Et il n’a pas perdu soudainement son talent. Se souvenir de ses coups d’éclat passés – face aux Blacks ou en finale de Top 14 – aide à remettre les choses en perspective. Comme le dit Lucu, parfois, "il faut faire le dos rond". Et ce XV de France aura bien besoin de son métronome toulousain pour redresser la barre.