En 2020, Fabien Galthié vit son premier Tournoi des 6 Nations à la tête des Bleus et intronise certains mots devenus acquis depuis, dans le jargon de notre microscosme rugbystique français. Des expressions propres à "Galette" - entre anglicismes et autres néologismes - est notamment resté le plus célèbre d’entre-eux : OVNI.
Ce terme désignant des garçons qui ne sont pas passés par une formation dite "classique" - comprenez les centres de formation puis les équipes espoirs de clubs de l’élite - ou qui ont débuté au niveau amateur avant de connaître le Top 14, et plus si affinités. C’est à dire l’équipe de France, comme le firent Anthony Bouthier et Gabin Villière pour ne citer qu’eux, lancés sous le premier mandat de Galthié après avoir débuté en Fédérale 1, soit le plus haut niveau amateur, faute d’opportunités plus haut.
Première pour Spring et Segonds, Villlière présent : la composition du XV de France face aux All Blacks
Ce samedi 2 juillet face aux All Blacks, pour le 1er test de la tournée d’été, le XV de France alignera d’ailleurs 2 ailiers qui ont débuté en séniors dans la plus haute division fédérale. Avant d’être opposés à Rieko Ioane et Sevu Reece…
Des profils qui existaient déjà par le passé dans un rugby un poil moins aseptisé il est vrai, mais pleinement mis dans la lumière sous "lunettes". Et voués à disparaître suite à la création des Nationales ? Par précaution, on est donc partis à la rencontre de l’un des derniers représentants du Top 14 (faute d’avoir pu avoir les plus jeunes Dimitri Delibes et Gaël Dréan) qui a fait ses premières armes seniors au niveau fédéral dans sa Soule natale : Camille Lopez.
Un championnat très formateur
Amoureux du rugby de terroir, vous n’êtes pas sans savoir que le néo-retraité aux quelque 235 matchs et 1500 points en Top 14 a débuté en seniors en Fédérale 1, sous le maillot de Mauléon, son club formateur. Une "aventure" à près de 300 points et quelques exploits pour l’ouvreur international, qui en a gardé des souvenirs intacts, aussi profonds que précieux, plus de 15 ans après.
Chez moi, à Mauléon, les joueurs sont très fiers de jouer pour leur club formateur. C’était un honneur de jouer en équipe première à 19 ans, en sortant de juniors, d’ailleurs. Là-bas, les jeunes du clubs vont voir jouer l’équipe fanion tous les week-ends et n’ont qu’un rêve : en faire partie. C’était mon cas aussi à l’époque.
Au-delà de la fierté et de la belle aventure humaine, Lopez n’en démord d’ailleurs pas : pour lui et même si "le niveau professionnel reste incomparable avec l’amateur", la Fédérale 1 fut une très bonne école pour se forger, physiquement notamment. "Je pense qu’à l’époque (en 2008/2009 NDLR), il était plus formateur de jouer dans cette âpre Fédérale 1 plutôt qu’en Espoirs. Car tout de suite, tu jouais des matchs rudes, des vrais derbys, des matchs à enjeux ou ça cognait fort face à des adultes", nous explique Camille Lopez.
La "Fed 1", donc, comme on l’appelle familièrement, était autrefois la 3ème division française. Aujourd’hui, elle n’est pourtant plus que le 5ème échelon national suite à la création des Nationales 1 et 2 entre 2019 et 2022, dans le but de faciliter la jonction entre le rugby amateur et le rugby professionnel.
De non-conservé en ProD2 au toit du Top 14 sur conseil de Dupont : l'ascension non-programmée de Paul Graou
Un championnat dans lequel nombre de talents supérieurs végètent encore aujourd’hui, faute d’opportunités, d’envie ou parce qu’ils ne se donnent pas vraiment les moyens d’aller voir plus haut. Même s’il est de nouveau regardé avec attention par certains recruteurs, notamment dans le sud-ouest, où dans la même poule, Iban Laclau et Cyriac Guilly (Tyrosse) ainsi que Sam Spring (Nafarroa) découvriront la ProD2 la saison prochaine.
Je me souviens qu'on jouait de sacrés matchs, notamment face à Nice, qui était bien armé à l’époque. La Fédérale 1 de l’époque, c’était vraiment solide. J’avais senti à mon arrivée à Bordeaux que cela m’avait beaucoup aidé quand j’ai comparé cela au niveau Espoir, où j’ai fait quelques matchs.
Parmi les plus beaux exemples récents de l’ascension de la Fédérale 1 jusqu’au niveau professionnel, Gaël Dréan, lui, planta 14 essais en 22 rencontres en 2021/2022, contribuant pleinement au titre de champion de France de Rennes. Révélation de la saison de l’outsider breton, le garçon formé à Lorient (il avait déjà planté 20 essais en 19 matchs de Fédérale 3 en 2019/2020 !) est alors appelé par Toulon pour faire le grand saut jusqu’en Top 14.
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Désormais parmi les meilleurs marqueurs de l’élite française (13 essais cette saison), l’ailier de 24 ans est aujourd’hui aux portes d’une première sélection en équipe de France…
Une liste à rallonge… mais vouée à s’éteindre ?
Bref, un championnat extrêmement enrichissant, dans lequel nombreux sont les clubs élitistes (comme Toulouse avec Joel Merkler et Clément Vergé il y a quelques années) à user du dispositif de double-licence pour y envoyer certains de leurs jeunes Espoirs encore un peu tendres, afin qu’ils se forgent et glanent du temps de jeu.
NATIONALE. Alldritt, capitaine d'Auch à 22 ans... qui est Thibault Clauzade, le 3ème ligne du RC Narbonne ?
Et duquel nombre de talents capables d’en être un élément fort à seulement 18 ou 19 piges ont ensuite pris la route d’un club professionnel, malgré un cursus peu classique.
Pêle-mêle, citons les exemples de Ludo Radosavljevic, de Aix à Clermont. De Dimitri Delibes, de Blagnac à Toulouse. Ou encore de Célian Pouzelgues (Valence d’Agen), Guillaume Cramont (Dax), Gabin Villière (Rouen), Lucas Pointud (Béziers) Cyril Blanchard (Vannes), Thomas Ceyte (Aubenas), Wilfried Hounkpatin (Rouen), Mathieu Bastareaud (Massy), Paul Surano (Rouen), Yohan Orabé (Mauléon), Tom Spring (Nafarroa), Pablo Uberti (Tyrosse), Thibault Rey (Colomiers), Nicolas Corato (Auch) Greg Alldritt (Auch) et Pierre Bourgarit (Auch), qui ont tous connu la Fed 1 à des époques différentes, avant de jouer en Top 14 et de réaliser leur rêve de gosse.
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Comme quoi, même les gamins n’ayant pas accès (ou réussi) aux centres de formation ont pour certains, eu le droit aux strass et paillettes du "meilleur championnat du monde". "Malgré l’émergence des Nationales et de ses clubs de plus en plus professionnalisés, j’espère qu’il y aura encore de belles histoires comme la mienne, avec des garçons qui sortiront du monde amateur", confie Camille Lopez.
Fier d’être encore l’un des premiers noms qui nous vient en tête lorsqu’on pense à la ligne directe peu empruntée Fédérale/Top 14. Tout en espérant ne jamais être élevé au rang relique, au moment de refermer le livre de 17 années de rugby en séniors, dont 16 chez les professionnels…
Arnaud Erbinategaray (Barcus puis Mauléon - Honneur puis Fédérale 1), Romain Lonca (Hendaye - Fédérale 2), Joris Jurand (Promotion d’Honneur), Gaël Dréan (Lorient puis Rennes - Fédérale 3 puis Fédérale 1), Antoine Aucagne (Vichy - Fédérale 2) et bientôt Jerome Bosviel (Bergerac puis Périgueux - Fédérale 3 puis Fédérale 1) ont même connu des divisions encore inférieures avant de découvrir le Top 14. Quand Paul Graou, Julien Ory, P-H Azagoh et probablement bien d'autres n'avaient connu que la Fédérale 1 B (réserve) à leurs première années séniors, avant d'intégrer un centre de formation...